Fini le stress du crash du disque dur, la synchronisation laborieuse des fichiers entre smartphone, tablette, PC familial et portable du bureau… Quant au partage de photos entre amis, il n’aurait jamais été aussi simple. Cerise sur le gâteau, plus besoin de se soucier des pirates ni des virus : d’autres s’en chargent pour nous. Le nom de cette solution miracle ? Le cloud computing, ou cloud, pour les intimes. C’est LA révolution du moment.Celle qui va résoudre tous nos soucis informatiques, nous promet-on. Impossible de passer à côté du phénomène : il est partout, mis à toutes les sauces du Net.
Selon la définition du Larousse, cette “informatique en nuage” désigne “un modèle d’organisation informatique permettant l’accès à des ressources numériques dont le stockage est externalisé sur plusieurs serveurs”. En clair, les fichiers numériques (documents, photos, musique, vidéos…) ne sont plus stockés physiquement chez vous, sur le disque dur de votre ordinateur, mais sur un serveur en réseau (“distant”, dans le jargon informatique) mis à disposition par un opérateur de services. Les fichiers y sont transférés dans un espace réservé grâce à une connexion à Internet. Ils sont ensuite consultables depuis n’importe quel endroit de la même façon, en se connectant à un compte en ligne ou par le biais d’un petit logiciel installé sur l’ordinateur, selon l’opérateur choisi.
Une solution apparemment high-tech, mais moins récente qu’il n’y paraît : la plupart d’entre nous l’utilisons depuis longtemps sans le savoir. Qui ne s’est jamais envoyé un document par mail pour le conserver ou pouvoir le consulter au bureau ou à la maison ? Qui n’a pas stocké des photos sur Facebook ou sur un site spécialisé comme Instagram, Flickr ou Picasa pour les partager avec des amis ? Dans chaque cas, les fichiers sont stockés sur des serveurs et consultables par Internet… Aucun doute, c’est déjà du cloud qui ne dit pas son nom. Une étude publiée en août 2012 par le cabinet Wakefield Research a ainsi révélé qu’aux Etats-Unis (berceau du cloud,), 95 % des personnes qui déclarent n’avoir jamais utilisé l’informatique en nuage y recourent en fait régulièrement sans le savoir.*
EXPLOSION DU PATRIMOINE NUMÉRIQUE DES PARTICULIERS
Il faut dire que le contexte actuel est favorable à ce nouvel usage de l’informatique. Explosion du patrimoine numérique des particuliers, généralisation de l’accès à Internet haut débit, multiplication des terminaux connectés (smartphones, tablettes, PC…). Plus d’un tiers du patrimoine numérique des particuliers sera stocké sur le cloud d’ici à 2016, selon le cabinet Gartner. Si bien que de nombreux acteurs se bousculent pour proposer leurs services sur le nuage, spécialistes de l’Internet ou opérateurs téléphoniques. Parmi les plus connus : l’iCloud d’Apple (limité aux produits de la marque), Dropbox, Google Drive, Microsoft SkyDrive, Amazon Cloud Drive, ou encore HubiC, de l’hébergeur français OVH, pour n’en citer que quelques-uns. Tous proposent des espaces de stockage en ligne en contrepartie d’un abonnement si le volume de données dépasse les quelques gigaoctets proposés gratuitement (lire encadré).
L’avantage du cloud, par rapport aux traditionnels disques durs, DVD et autres clés USB ? D’abord, la possibilité d’accéder à vos fichiers quel que soit l’endroit où vous vous trouvez (au bureau, chez des amis, en vacances à l’autre bout du monde…), pour peu qu’une connexion à Internet soit disponible. Ensuite, la protection de vos données, à l’abri d’une chute intempestive de disque dur, d’un cambriolage, d’un incendie ou d’un virus malfaisant. Du moins en théorie.
Pour savoir si les données sont réellement en sécurité sur le cloud, encore faut-il comprendre où elles se trouvent. “Si nous faisons bien notre travail, personne n’a à s’en soucier”, ironise Grace Kwak, chef de produit chez Google. Les fichiers sont en fait envoyés vers d’immenses data centers, des sites aux faux airs de bunkers, bien réels et ultrasécurisés, dans lesquels sont alignés des kilomètres d’armoires abritant des empilements de disques durs. Le fameux nuage serait ainsi composé de plus de 2 000 data centers dans le monde. L’américain Google, l’un des plus gros acteurs sur le cloud, déclare disposer d’une quinzaine de ces espaces de stockage version XXL : aux Etats-Unis, au Chili, en Irlande, en Belgique, à Hongkong, à Singapour et à Taïwan. Lors du transfert d’un fichier sur Google Drive par exemple, les données sont transmises vers l’un de ces centres (pas forcément le plus proche) et des copies sont réalisées et transférées sur plusieurs autres. “Ainsi, vos données restent-elles accessibles à tout moment, même si un serveur devient indisponible pour cause de problème technique, de maintenance ou de catastrophe naturelle”, précise Grace Kwak. La mise à jour et la récupération d’un fichier à partir d’une copie se font de façon automatique, totalement transparente pour l’utilisateur.
La plupart des opérateurs fonctionnent de la même façon. Outre les copies de sauvegarde, les données sont également protégées des virus et des hackeurs par des logiciels de sécurité qui analysent les tentatives d’intrusion et les comportements suspects, comme les connexions inhabituelles depuis des pays exotiques. Ce qui n’empêche pas les incidents. Le cloud présente en effet un nouveau risque, celui de la disparition pure et simple de l’opérateur, et avec lui de vos précieux fichiers.
COFFRE-FORT NUMÉRIQUE
A l’instar de la fermeture brutale de MegaUpload par la justice américaine début 2012, pour avoir violé les lois sur le copyright. Entraînant la perte pure et simple des 25 millions de gigaoctets de données qui y étaient stockées (dont une partie légalement). La fiabilité ne se mesure pas toujours à l’aune de la notoriété de l’opérateur, comme l’ont constaté à leurs dépens les clients de l’Elastic Compute Cloud (EC2) d’Amazon, en 2011, victimes de pertes de données à la suite d’un incident technique. Car le risque n’est pas nul, comme l’avoue d’ailleurs Dropbox dans sa politique de confidentialité : “Nous respectons les normes généralement acceptées pour protéger les informations qui nous sont communiquées, pendant la transmission et après réception. Toutefois, aucune méthode de transmission électronique ou de stockage n’est fiable à 100 %. Par conséquent, nous ne pouvons garantir une sécurité absolue.” L’entreprise californienne sait de quoi elle parle : en juin 2011, un problème technique avait paralysé le contrôle par mot de passe du système et rendu temporairement les données de chaque compte accessibles sur simple mention de l’adresse électronique du titulaire…
Le cloud n’est donc pas le coffre-fort numérique que certains opérateurs font parfois miroiter. Si bien que quelques voix commencent à s’élever pour tirer la sonnette d’alarme. Il y a un an, Steve Wozniak, ancien comparse de Steve Jobs et cofondateur d’Apple (qu’il a quitté depuis 1987), a créé l’émoi dans le microcosme informatique en avouant publiquement ses inquiétudes, alors même que la marque à la pomme s’est engagée fortement dans cette voie avec l’iCloud. “Cela m’inquiète que tout passe dans le cloud. Je pense qu’il va y avoir des problèmes terribles dans les cinq prochaines années. Avec le cloud, rien ne vous appartient. Plus on y transfère des données, moins on garde le contrôle”, estime le gourou de la communauté geek. De quoi faire froid dans le dos.
Alors comment profiter au mieux du nuage tout en limitant les risques ? En jouant la prudence. Tout d’abord en sécurisant au mieux l’accès à vos données. Les spécialistes conseillent d’utiliser un mot de passe d’au moins huit caractères, composé de lettres (minuscules et majuscules) et de chiffres. A éviter : les prénoms du conjoint, des enfants, et leurs dates de naissance, autant d’informations qu’un hackeur motivé peut aller glaner sur le Net ou sur les réseaux sociaux. La prudence recommande également d’éviter d’utiliser un même mot de passe pour l’ensemble de vos accès (mail, banque, cloud…).
Même une fois ces précautions prises, mieux vaut ne pas stocker tous vos fichiers dans le même panier. Selon Claude Huc, l’auteur de Préserver son patrimoine numérique (éditions Eyrolles), une, voire deux copies de vos documents les plus précieux s’imposent, en essayant de panacher les supports et les technologies – disque dur, mémoire flash (clé USB ou disque SSD), DVD… – pour se mettre à l’abri d’une panne technique. Dans cette stratégie, le cloud peut être une bonne solution pour stocker des documents tels que les textes, les PDF (documents administratifs), les photos, voire la musique. Il s’avère en revanche peu pratique pour le stockage de vidéos : à raison d’environ un gigaoctet par film, le transfert de l’ensemble d’une vidéothèque risque de prendre des heures, voire des jours, en fonction du type de connexion à Internet utilisée.
Car le cloud reste, quoi qu’il arrive, dépendant de la qualité de l’accès à Internet. Un détail à ne jamais perdre de vue pour qui veut rester sur son petit nuage
(Prix TTC à l’année pour un espace de 100 Go.) * Prix indiqué à titre comparatif, iCloud proposant un stockage maximal de 55 Go.
Source: Le Monde